♥♥♥♥♥ – 5/5
Conseillé par Mylittlebookclub, retenu dans les premières sélections des prix (Goncourt, Fémina, Renaudot…), ce roman tient toutes ses promesses ! Haut la main !
« Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec les morts… »
Pierre Lemaitre réussit avec brio son incursion dans l’Histoire. Faisant preuve d’une parfaite maîtrise, il tisse une intrigue forte et haletante. Son style particulier aux accents populaires oscille à merveille entre tragédie et légèreté. Son regard sans complaisance sur ces deux gueules cassées témoigne des « lendemains qui déchantent » où la France préfère honorer ses morts que de s’occuper des survivants.
« Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après. »
Très bien documenté, ce roman éclaire certaines zones d’ombre de l’après-Guerre. Que faire de tous ces morts qui pourrissent dans les champs de la Somme ? Comment faire le deuil de son mari, de son frère lorsqu’on ne sait pas où il repose ? De tels chantiers ne peuvent qu’attirer la convoitise de gens peu scrupuleux, voire malhonnêtes. Quand Henri d’Aulnay Pradelle gagne le marché pharaonique des cimetières de poilus, il préfère commander des cercueils d’1m30 pour augmenter ses profits. « Pour faire entrer (les soldats), il fallait briser des nuques, scier des pieds, casser des chevilles. » Des sociétés faisaient des réclames pour racheter « à bon prix, tous les dentiers usagés, même brisés et hors d’usage. » Ca fait froid dans le dos !
Dans ce contexte post-apocalyptique, nos deux rescapés, laissés-pour-compte, tentent aussi leur part du gateau. L’idée est ingénieuse, mais totalement amorale. Le pauvre lecteur est tiraillé entre l’envie de les voir réussir et un sentiment de malaise devant l’horreur de leur escroquerie. Ces deux gueules cassées sont pathétiques (dans le premier sens du terme) et touchants. Les séquelles de la guerre sont physiques pour l’un et psychologiques pour l’autre. Tous deux sont profondément et irrémédiablement meurtris. Attachants mais dérangeants, ils sont unis par une relation d’haine-amour où chacun survit avec ses névroses et ses séquelles.
Ce livre est fort, poignant et magistral. Un grand coup de coeur.
N’oublions pas que la Grande Guerre, c’est 1,3 millions de morts en France. Cela représente 1/4 de la population 18-27 ans. Mais c’est aussi 4 millions de blessés et mutilés de guerre.
Livre lu dans le cadre du
Challenge Rentrée Littéraire 2013.
-> 1/6
Il me tente beaucoup celui là aussi… Mais il va me falloir faire des choix parce que j’ai noté un tas de titres pour cette rentrée littéraire et forcément, quelques titres passeront à la trappe ;0) Bises et bonne journée