Chanson Douce

slimani

Quand ta nounou t’offre pour Noël le Goncourt, tu te dis qu’elle te connait bien. Et puis, tu le lis. Et là, tu commences à te poser des questions et à avoir peur !

J’ai rarement lu un incipit aussi diabolique. Horrifiée, j’étais accrochée au livre, impossible de m’en défaire, impatiente de lire la suite, pour comprendre ce qui peut amener à un tel geste.

« Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. » (bim, prends ça, lecteur)

Trouver des explications à un tel geste, c’est ce qu’essaie de faire Leila Slimani. Elle plonge dans les méandres psychologiques de la relation mère/nourrice. Elle dissecte la culpabilité de la maman qui part travailler. Elle observe l’emprise de la nounou parfaite qui tient une famille sous son joug. Elle cherche à comprendre l’aveuglement des parents, elle essaie de repérer les troubles pyschiques de la meurtrière.

Ses mots percutent, sonnent juste à chaque fois. Son style rythmé met en lumière des scènes et des sentiments universels, des vérités dans lesquelles je me suis souvent reconnue. La construction est diabolique, on connaît d’emblée la fin dramatique, pas de suspense. Au fil des mots, l’auteur remonte le chemin, sinueux, torturé, qui a conduit à cet indicible infanticide. Il n’y aura pas d’explications, ce n’est pas une enquête ni un documentaire. Ce fait-divers terrifiant est l’occasion d’une réflexion glaçante sur l’hypocrisie sociale et le malaise contemporain.

Alors, oui, Chanson Douce est un bon roman, mais j’en avais tellement entendu parler que je suis déçue. Je ne lui trouve pas la dimension d’un Goncourt. Même si je ne peux que me réjouir qu’une femme, d’origine arabe, enceinte de surcroit, reçoive ce prix.
Surtout, son précédent roman évoquait un autre thème choc : la nymphomanie. J’ai cette dérangeante impression que l’auteur choisirait des sujets qui font forcément parler d’eux. Comme un gage de succès. J’espère que l’avenir me contredira.

« On se sent seul auprès des enfants. Ils se fichent des contours de notre monde.« 

5 commentaires

  1. J’ai très envie de le lire mais je vais commencer par son premier !
    Je te conseille son interview dans le podcast La poudre, très intéressant ! Et elle explique pourquoi elle parle toujours de profils un peu extrêmes, pas tellement dans le but de choquer pour choquer et qu’on parle d’elle, mais parce que ce genre de profil psychologique l’intéresse plus.. donc pas sûre que son prochain livre soit moins troublant 😉

    1. J’ai lu Dans le jardin de l’ogre, avant Chanson Douce, que j’ai trouvé très réussi mais assez glauque. Merci pour l’info du podcast ! Comme dit très justement Leïla Slimani, on ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments ! Mais ça n’en fait pas des lectures faciles pour autant ! (peut-être que j’ai lu ses deux romans trop rapprochés !)

  2. C’est intriguant et ca attise un peu ma curiosité, mais vu le thème j’ai trop peur que ca me laisse très mal à l’aise …non ? C’est pas un peu dur comme lecture quand on est soi même mère ? (Sympa ta Nounou sinon 😉 ?)

    1. C’est pas une lecture facile, mais ça reste assez fascinant. L’auteur ne tombe pas dans le pathos, elle donne les faits – ce qui est presque pire ! Mais le décorticage du « pourquoi du comment » est très intéressant !

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